la beauté des océans
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Cela fait longtemps que je ne me suis pas aventurée dans la région du calme plat. Aventurée est un bien grand mot, puisqu'il ne s'y passe rien - d'où son nom. Étrangement, je me sens sereine. En ce moment, il ne se passe pas grand chose. Les chats ailés batifolent dans l'air sans nous causer des emmerdes, les poissons sont nombreux, et les crabes prolifèrent sur la plage. Le clan a bien assez de nourriture pour des lunes. Cependant, la saison des neiges risque d'être rude. Mais j'en ai assez de devoir toujours m'inquiéter. Oui, ce sont les responsabilités d'un chef. Mais ai-je choisi d'être chef. J'effleurai un roseau du bout de la patte avant de lever les yeux vers le ciel. Le soleil est déjà haut et le clan se rassemblera bientôt pour partager un bon repas, comme le veut la coutume. Si je suis absente, ça va mal le faire. Je sais que je suis appréciée du clan. Que lorsque les chatons me voient, ils ont, pour la plupart, de l'admiration pour moi. Ils n'ont pas à en avoir, ha. S'ils savaient. J'en ai marre de tous ces trucs. De devoir cacher mon passé, de devoir faire attention à mes paroles et à ma tenue. Depuis longtemps, je songe à laisser le clan à mon lieutenant, et à m'en aller vers d'autres lieux. A me laisser emporter par le courant jusqu'à une nouvelle contrée, sans clans et sans soucis. Mais c'est impossible. Le clan est la seule chose qu'il me reste. Je ne me sentirais pas capable de les abandonner. Je lève les pattes du sol et me met sur le dos et me laisse emporter par un léger courant. Je ne sais pas où je vais, mais j'y vais. Je reviendrais, surement. Après ma sieste.

VLAN. Saloperies. Je les aperçois encore se casser en remuant les nageoires, comme s'ils n'avaient rien fait. Ces fumiers. Je hais le plancton. Ils surgissent par énormes bancs, on ne sait ni d'où ils viennent ni où ils vont, et ils s'éclatent à foncer sur les gens. En l'occurrence, moi. Fumiers. Je lâche un hurlement de colère lorsqu'un petit plancton en retard me passe sous le museau.

« C'est ça, barrez-vous ! Fumieeeeers ! »

Woops. J'ai peut-être gueulé un peu fort. Comme pour confirmer ce que je pensais, une silhouette déformée par le courant s'approche de moi. Alors qu'il ne reste plus qu'une dizaine de mètres entre la silhouette et moi, je reconnais Squale Noire, le guérisseur du clan. Toujours là quand il faut pas lui .... attention, je dis pas que je l'aime pas ! C'est simplement qu'à chaque fois que j'ai envie de me défouler, il est là. Il doit penser me refréner, mais ils faudrait qu'ils comprennent tous que même un chef a, parfois, besoin de s'énerver contre quelqu'un. Ça s'appelle avoir trop de pressions les enfants. Tss. Je suis toujours en rogne contre ces planctons et contre le fait de devoir me retenir de frapper dans le vide, mais je tente de me calmer. Je lâche un imperceptible soupir avant que le mâle noir ne s'arrête devant moi et ne me salue, l'air crevé.

— Étoile de Corail quelle bonne surprise ! Je ne m'attendais pas à te voir ici, mais la prochaine fois, fais moins de bruit certains essayent de dormir !

Haha, le boulet par excellence. Il est doué en médecine, c'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour flâner ici. Quoique, c'est ce que je suis venue faire. Je suis vraiment de mauvais poil aujourd'hui. Heureusement qu'il fait jour et beau, sinon je lui en foutrai une avant de partir. Mais bon, il faut prendre sur soi. Je lui lâche un faux sourire que j'espère convainquant et réponds.

— Bonjour Squale Noir. Je vois qu'il n'y a pas de moi de fatiguée ! Le temps est parfait aujourd'hui. Je suis venue attraper du plancton pour les anciens, je crois qu'ils ont des difficultés à mâcher les gros poissons que nous ramènent les guerriers et leurs apprentis en ce moment, plaisantai-je ! Je suppose que tu es venu te reposer et t'approvisionner en algues, non ? C'est vrai qu'il y en a énormément dans ce coin là. C'est plutôt joli.

MENSONGE DÉTECTÉ. Si j'avais pu, je l'aurais attrapé, ce plancton à la c*bip* ! Enfin, les anciens sont encore en bonne santé, ils n'ont pas besoin de nourriture aussi maigre et aussi fine. Enfin bref, avec toutes mes questions et paroles, il devrait en avoir pour un moment. Alors que je tourne distraitement la tête vers un petit monticule de sable sur lequel plusieurs algues ondulent, j'aperçois une forme grisée et massive passer, un peu plus loin, fantomatique. Oh caca. Je prie pour que ce ne soit pas un dauphin. Je déteste les dauphins. Ils bouffent les algues et nous prennent énormément de gibier. Le camp a été construit à un endroit précis pour que les dauphins ne puissent y accéder, ainsi que toute autre grosse créature, cependant, moi et le guérisseur somment relativement éloignés du camp. Et le dauphin va surement venir nous faire coucou. J'aime pas ça. Du tout. Les dauphins, on en sent pas l'odeur, et si ils te chopent entre leur bouffe, c'est coup de museau dans la gueule. Et c'est dire si leur museau est long et dur. Et lourd. Et qu'il fait mal. Le pire, c'est que quand on résiste, ces saletés tentent de te défoncer avec leurs dents. Je reporte mon attention sur Squale Noir en espérant qu'il n'ait rien remarqué. Je n'ai aucune envie de me lancer dans une fuite ou une course poursuite. Vraiment. Je reprend mon sourire, innocemment.